L’Alliance des Trois – Maxim Chattam

            L’auteur français de thrillers, Maxime Chattam a surpris son public et les critiques en publiant en novembre dernier le premier volume de sa nouvelle série intitulée Autre-Monde. Exit les enquêtes torturées et oppressantes d’un tueur en série cru mort ou des disparitions dans des titres tels que In Tenebris. Chattam s’attaque à un genre prisé par une autre audience : l’heroic fantasy.

Un rêve de gosse

            Après huit romans ancrés dans les enquêtes outre-atlantiques très documentées, Chattam a enfin réalisé ce qu’il a appelé « un rêve d’enfant » sur le site officiel de la série. L’auteur a produit un texte au style et au ton différent qui peut dérouter ses fans. Mais il parvient également à attirer le lecteur vers ce nouveau monde.

            Le premier élément, la première altération à ses habitudes, vient du fait que les héros sont des enfants. Matt, Tobias et Ambre – l’Alliance des Trois – se réveillent au matin du 26 décembre alors qu’une tempête sans précédent a frappé New York et probablement le reste du monde. Les adultes ont disparu et ce qui a pris leur place est autrement plus terrifiant.

            Les premiers chapitres traitent d’ailleurs de cette disparition. Toujours du point de vue de l’enfant, la tempête qui frappe New York est immédiatement dérangeante. Les éclairs bleus qui attaquent et vaporisent leurs victimes ramènent            à ce que Chattam connaît le mieux. Les enfant sont perdus dès le départ. Matt, le héros et son meilleur ami Tobias se retrouvent seuls dans cette ville enneigée de retour à l’état sauvage en l’espace d’une nuit. Poursuivis par des créatures étranges, les deux enfants fuient vers le sud où l’aventure va prendre un sens.

Intéressant et un goût de déjà-vu.

Autre-Monde accepte et reconnaît ses inspirations pour le plaisir des fan boys. Par exemple, Matt, le héros, reçoit l’épée d’Aragorn, du Seigneur des Anneaux, pour Noël et ce cadeau lui sert d’arme pendant tout le livre.

Chattam respecte les conventions du genre de la couverture énigmatique à la présentation des différents protagonistes et des « races » de ce nouveau monde. La mythologie du nouveau monde prend une place importante. Les peuples portes des noms donnés par les enfants : les Gloutons – les hommes mutants ; les Cyniks – les hommes ayant survécus et devenus maléfiques – et les Pans – les enfants en référence à Peter Pan.

Les trois héros rappellent un peu le trio de la série Harry Potter. Matt est le courage incarné tandis que Tobias est un peu péreux mais évolue au cours du livre. Ambre, la petite dernière est plongée constamment dans les livres pour comprendre ce qui se passe comme Hermione Granger. Mais tout comme cette dernière dans la série du sorcier à lunettes, Ambre est importante pour guider le lecteur et lui apporter les premières réponses. Peut-être est-ce ce sentiment déjà-vu qui donne l’impression de se sentir chez soi et d’apprécier ces trois héros rapidement ?

            Matt est tout de suite désigné comme étant un héros spécial. En plus du pouvoir qu’il développe au cours du roman, il est la cible d’un monstre tout d’abord tapis dans ses rêves mais qui semble le traquer. C’est dans les dernières pages que cette importante est appuyée. Matt a quelque chose que les méchants veulent. Est-il inconsciemment responsable de l’Impulsion qui a changé le monde ? Avait-il déjà un pouvoir avant tout cela et qu’il avait pressenti le danger – dixit cet étrange vieil homme et le serpent du premier chapitre et jamais revu après ?

Pour le moment, Autre-Monde présentent les dilemmes traditionnelles du genre du Bien et du Mal mais connaissant l’auteur, cela risque de changer.

Un conte écologique

            La première explication donnée au changement radical du monde est l’écologie. La terre se serait défendue des agressions de l’homme et aurait détruit l’humanité en épargnant des enfants qu’elle estimait dignes et capables de changer. Les adultes ayant survécu au cataclysme sont devenus soient les Gloutons, des mutants mangeurs de chairs sans âme ou les Cyniks, ces individus jaloux des enfants les traquant pour les capturer et en faire des esclaves.

            Comme dans tout roman de fantasy, la magie a sa place. Seulement, cela reste malgré tout notre monde, même changé. Alors la magie trouve une base scientifique expliquée par Ambre. Tout les enfants développent une Altération en rapport avec leurs activités et leurs besoins comme une force sur-humaine ou de la télékinésie.

            Ce premier roman constitue une bonne base pour la suite – une première trilogie. Il présente bien ce que les enfants savent déjà du monde. Il se concentre sur ce groupe cherchant à reconstruire la vie en communauté s’inspirant des traditions du Moyen-Age. Par des trucs narratifs, l’histoire avance vite et se déroule sur plusieurs mois. On n’a pas le temps de s’ennuyer. Il n’y a pas de lourdeurs dans le scénario.

Le deuil de l’orphelin n’est traité que brièvement et heureusement dans un sens. Tous ces enfants ont perdus leurs familles mais ne s’attardent pas à s’en plaindre. « C’est interdit de parler de la vie d’avant », dit l’un d’eux. Malgré la mort omniprésente, le livre est accessible aux jeunes qui verront leurs fantasmes de vie sans « les grands » réalisés, un autre monde où les enfants sont les héros.