Passagers: un train de retard?
Dimanche soir, un homme s’est suicidé en se jetant du quai alors qu’un train en direction du Luxembourg passait à plus de 300 km/h en gare de Champagne-Ardenne TGV. Bilan de cet « accident de personne sur la voie » : un mort. Mais aussi un malaise parmi les témoins, une dizaine de trains arrêtés, au moins tout autant de correspondances interrompues et peut-être un millier de passagers immobilisés, retardés et éloignés de leur destination. Quelle est la véritable information ici ?
La victime, sans aucun, doute. Pourtant, malgré les témoignages sanglants, une seule chose a semblé préoccuper la quasi-totalité des gens présents en gare : les retards. Le ton et les humeurs ont rapidement montés face aux « retards indéterminés » affichés dans le hall d’accueil. La dose d’information délivrée avec une parcimonie extrême n’a pas arrangé les choses. Dans la demi-heure qui a suivi, les gens se sont rués vers les guichets avec l’espoir non dissimulé de changer de billet sans perdre d’argent. « Ca serait quand même la moindre des choses ! Ce n’est pas notre faute si nous n’avons pas pu prendre le train », s’est justifiée une femme dans la cinquantaine. D’autres usagers se plaignent de « l’égoïsme » de la victime qui « aurait pu attendre le dernier train » ou encore « faire ça chez lui ».
Personne n’a semblé vraiment s’inquiéter du sort du malheureux. Même la jeune femme prise d’un malaise n’a pas su attirer la compassion des gens. Sans doute ne se sont-ils pas rendu compte de ce qui se passait autour d’eux, à la vue des très nombreuses personnes patientant dans la gare.
Les usagers étaient concentrés, presque accrochés aux haut-parleurs pour écouter la moindre misérable annonce. Mais pour dire la vérité, l’information était plutôt éparse et vide.
Plus de trois heures d’attente ont poussé certains à réfléchir à la situation mais la plupart n’ont eu qu’un seul souci et centre d’intérêt : eux-mêmes. Il est malheureux de se rendre compte en direct du nombrilisme de notre société actuelle. Formaté à l’individualisme à l’extrême, on en oublie le drame humain qui s’est joué sous les yeux de quelques témoins malheureux.
Justement, le regret de grand nombre de jeunes gens fût justement de ne pas avoir été sur le devant de la scène au « moment crucial ». Certains se sont faufilés à plusieurs reprises sur les quais dans l’espoir de pouvoir observer le travail, même de loin, des pompiers et des policiers. Effarant, les réactions outrées de ces mêmes personnes lorsque le chef de gare a exigé leur retour immédiat dans le hall d’entrée. A défaut, les téléphones portables se sont retrouvés collés aux vitres pour arracher une image intéressante même de loin pour pouvoir dire « j’y étais » (en ignorant tout de la victime).
N’est-ce pas là une bien triste attitude ?